Secret Sugar Books
كُتب سريّة بطعم السكّر
Sketch books and books, mixte techniques on Paper, 2010/ 2021











Paintings

Kafkaeinne adaptation
acrylic on canvas, 180X330cm, 2021.

Friday
acrylic on canvas, 200X200cm, 2021.

Ruler
acrylic on canvas, 200X200cm, 2021.

Diaries
acrylic on canvas, 110X180cm, 2021.

Diaries
acrylic on canvas, 54X46cm, 2021.

Diaries
acrylic on canvas, 54X46cm, 2021.

Diaries
acrylic on canvas, 54X46cm, 2021.

Diaries
acrylic on canvas, 54X46cm, 2021.


Les tableaux et les jours
Adnen JDEY
Nul repos ici, mais nul sursis non plus. Voilà des propositions plastiques qui ressemblent à tout ce à quoi une variation sur thème devrait ressembler. Sur toiles, ou en boîtiers, la trace est celle des travaux et des jours, d’un corps qui déplie ses nerfs et son souffle, tout en contractant ses positions pour naître à l'effraction. Plutôt que de partir sans ménagement à l’assaut du corps féminin, Najet Edhahbi semble pratiquer la peinture à la façon d’un exercice sportif. Mais si elle ne livrait pas la clé de la démarche, resterions-nous en lisière de ce que dénote son geste au plus juste ? Il aura fallu deviner le contexte, accepter la détresse et l’ennui mêlés du confinement, pour que notre regard ne désavoue pas une certaine persévérance dans l’indompté. Ces œuvres, dont la sérialité énonce un rituel intime, oscille entre deux extrêmes du format : le grand qui en souligne la frontalité, et le petit qui focalise le geste. Ici ou là, la composition que l’on pourrait dire reproductive, bien qu’elle travaille à s’affranchir de ses doubles, s’allie en fait avec un langage relativement déroutant, car rectifié par le désir d’une fiction et obéissant aux scansions du journal intime – deux coordonnées accourues à la rescousse ou si vite effacées en moins d'un mouvement. D’où vient cependant qu’on repousse si âprement ces impressions contrebalancées par l'évidence d'une obstination qui ne tourne pas le dos à l’interprétation ?
De fait, s’il fallait retenir quelque chose de cette obstination physique chez Najet Edhahbi, le choix se porterait sur ces corps asexués qui nous laissent dans l’ignorance de leur adresse. L’artiste, en libérant son dessein de ce que lui dicterait à première vue la représentation prosaïque du corps, nous tend presque à portée de main, un fil d’Ariane et le laisse à disposition. Au regard sans doute de le dévider à son rythme. Les corps, dédoublés dans Adaptation kafkaïenne, disent en effet la tension de ce fil. Tension anecdotique ? Que nenni. Ce serait un fil tiré par définition du trait, tel un pli qui ouvre le corps de la toile pour ensuite la diviser. En même temps, ce serait un pli qui redistribue la couleur afin que quelque chose advienne ; couleurs d’appels, et de fond, des aplats propices à l’effacement. Or les chemins se séparent vite : d’un côté une composition dégageant et éclipsant le corps par brefs tranches et coups de brosses apaisés ; et de l’autre, une syntaxe dénominative muette, ou plutôt quasi discrète, joignant l’empreinte de quelques pages d’un calendrier collé à d’incompréhensibles abréviations. Faudrait-il, comme dans le dyptique 10000 watt-watt, quelque chose de plus allégorique pour y faire bouger les répondants, tels ces chauves-souris éblouies dans le bleu-noir de la toile ? Sitôt la métaphore avérée, on dirait que le référent s'impose sans recours dans un autre pas. La duplication tacite des signes et des postures n’est pas seulement ce qui strie le champ et donne corps à la fiction. Elle convoque aussi, par la partition de la toile, l’inscription d’un rythme plus subtil, grâce aux graphismes qui viennent parfois s’y superposer. Mais un corps indéfini, en l’occurrence agrafé et qu'une incertaine lascivité semble reployer, cela fait-il une quelconque différence ?
Cette différence, pour ne pas être refoulée, demande bien sûr sa devise à l’échelle plus qu'à la composition. L’échelle avec laquelle l’artiste procède à l’exercice ne répond à rien d’autre qu’à un double mouvement, d’approche et de recul, tension constamment à l’œuvre d’une main qui laisse un peu de peinture s’écouler ça et là, sur la toile disposée frontalement, mais qui s’applique aussi savamment à l’esquisse. Et lorsqu’à la disposition des corps sont attelés des signes d’escorte, il n’est pas indifférent qu’il faille raboter les marges. Car la peinture de Najet Edhahbi, soumise à l'exercice plus qu’au labeur, ne compte pas s’assagir de loin. Là où Journal sans poils demande que le corps sorte de sa coquille, Roue-tine exige qu’on ait l’œil à la fois pour la mesure de la page et pour les latitudes du cadre, alors le en trace s’inverse. Cinq doigts écartés, paume à plat, et Journal d’une main de traquer ce qui résiste à l’emprise conquérante d’un simple organe de scription. Bras, main, paume : une tresse à trois variantes, pour faire subir des altérations qui seraient, de l’une à l’autre, une manière de substituer l’écart à l’étroit. Mais ces altérations, ainsi portées à notre regard, sont glissements de traits plutôt qu’exportations de signes. Le geste est d'autant plus assumé que ses règles parfois se dérèglent. Sans toujours se soucier du signe, accablé de nécessités, le dessin se poste aux carrefours. Et c’est une liberté d’exécution, d’un geste qu’il est peut-être inutile de rehausser de compléments, qui se donne là.
Mais si d’autres propositions de Najet Edhahbi s’obstinent encore à ne pas livrer leur mode d’emploi, cette liberté ne signifie pas que sa démarche plastique nous dérobe la clé définitive de toutes les serrures. Conservés dans le format d’un boîtier, au cas où la mémoire faillirait, la série des Livres secrets sucrés vient dérouler des bouquins invaginés, parfois trop remplis, et des carnets qui n’en sont plus uns. On dira que c’est une manière d’entourer des souvenirs, d’autres inclinations de vies qui peut-être auraient été parallèles. On dira aussi qu’ils ont servi un jour, quand l’artiste suspendait ses toiles, à s’orienter dans de passionnantes intrigues. C’est peut-être la fortune d’une brassée de feuilles volantes qui travaille l’artiste, et ne laisse pas son geste intact. Or une fois le document dans le boîtier, ce geste de composition inviterait peut-être à voir autre chose qu’une surface d’inscription. Car, quand l’idée s’impose dans le montage de mots et d’images, on a droit à des concordances et discordances simultanées, des percées de fiction qui ne s’interdisent pas d’intervenir dans la lecture. Et le regard, entraîné à leur gré, ne recèle plus seulement des référents familiers ou côtoyés ; il troque aussi la valeur d’usage du document intime contre une valeur d’exposition à laquelle ces journaux n’étaient pas destinés. Afin de suivre au plus près le cheminement de l’artiste, peu incontrôlable, et des travaux et des jours, pourrions-nous d’ailleurs faire autrement, quand il s’agit de regarder un livre et de lire une image ?
Presse :
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